Sherbrooke, le 5 juillet 2024.

 

Introduction et présentation du CRE Estrie

Le Conseil régional de l’environnement de l’Estrie (CRE Estrie) est un organisme environnemental membre du Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ). Un des principaux mandats du CRE Estrie est d’assurer la concertation des acteurs de l’Estrie face aux enjeux environnementaux de la région. Le CRE Estrie est un interlocuteur privilégié du ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), des 9 MRC de la région et de plusieurs municipalités et organisations membres. Grâce à des solutions concertées et des conseils avisés auprès des industries, des commerces, des institutions (ICI), de la population et des décideurs, il veille à protéger et à améliorer l’état de l’environnement pour assurer la qualité de la vie en Estrie.

 

La forêt couvrant plus de 70% de la superficie de la région, les activités en milieu boisé forment un créneau important des priorités du CRE Estrie. Récemment, le CRE Estrie a participé aux comités d’experts ou aux consultations des organisations pour la réalisation des Plans régionaux des milieux humides et hydriques de 8 MRC sur 9, dont deux avaient choisi d’incorporer l’ensemble des milieux naturels de leur territoire (hydriques, humides et terrestres). Le CRE Estrie participe à la table GIRT et travaille sur plusieurs projets visant la protection de la canopée, incluant l’animation d’une concertation régionale en vue d’identifier le réseau écologique à l’échelle de l’Estrie.

 

Nous avons étudié avec intérêt le projet de règlement 283-2024 encadrant les activités forestières sur le territoire de la MRC des Sources en identifiant ce que nous considérons ses forces et ses faiblesses en matière de protection du couvert forestier et de la biodiversité.

 

Les points favorables de la règlementation

Nous saluons les efforts réalisés pour rédiger un règlement qui vise la protection de nos milieux boisés tout en tenant compte des contraintes et de l’expertise d’une multitude d’acteurs utilisateurs, propriétaires ou spécialistes et en l’accompagnement d’un plan de communication. En agissant ainsi, les chances sont meilleures que la règlementation soit mieux comprise et respectée. Nous jugeons important de bien exprimer les raisons environnementales pour lesquelles ces règles sont mises en place.

 

Nous reconnaissons les efforts du nouveau règlement qui vise à résoudre des problèmes environnementaux existants comme la coupe systématique dans la rive. Une rive avec un bon couvert boisé crée une barrière naturelle à la sédimentation des cours d’eau dont le besoin de protection est d’autant plus grand dans un contexte de changements climatiques et de pluies fortes qui amènent des quantités de sédiments supérieures et par conséquent ont un impact sur la qualité de l’eau. À cet effet, la distance de 10 mètres nous semble un minimum important à respecter bien que d’autres MRC aient choisi des bandes de protection plus larges (exemple en région : MRC de Coaticook).

 

Nous reconnaissons le besoin de suivi pour des coupes importantes et l’administration de mesures pénales ne visant pas simplement des amendes en argent mais aussi des remises en état, afin d’empêcher que les contrevenants qui choisissent simplement de payer pour éviter le respect du règlement. Même si ce n’est pas une décision découlant de la MRC, nous soulignons le fait que l’augmentation considérable du coût des amendes démontre une volonté plus claire de maintenir l’intégrité de nos milieux forestiers.

 

Les nouvelles données obtenues dans le cadre de l’élaboration du plan régional des milieux humides et hydriques illustrent le besoin de clarification de la règlementation encadrant les milieux humides et hydriques identifiés pour la protection ou la restauration (ex. la protection de 20 mètres pour les milieux humides identifiés pour la protection). C’est un des objectifs des PRMHH que de faire en sorte que les différentes activités d’aménagement du territoire participent le moins possible à la destruction de ces milieux et c’est une retombée que nous considérons cohérente avec les objectifs de conservation.

 

Des mesures ont été intégrées pour protéger les espèces à statut, mais ne concernent que les forêts refuge (plantes forestières à statut) et la Polémoine de Van Brunt. D’autres mesures pourraient contribuer à la conservation de nos espèces d’oiseaux, comme en témoigne cette recommandation du Guide des saines pratiques d’interventions forestières en milieu humide boisé des forêts privées du Québec de l’Agence forestière des Bois-Francs :

« Planifier, si possible, la réalisation de certaines activités forestières après la troisième semaine de juillet afin d’éviter la période de nidification des oiseaux. Certains travaux d’entretien de la régénération pourraient être réalisés l’hiver ». Nous encourageons une règlementation qui vient renforcer les mesures de protection des espèces animales et végétales fragiles présentes sur le territoire, de l’identification aux mesures de mitigation.

 

Des opportunités pour encore mieux protéger les attributs écologiques du territoire forestier.

La notion de maintien du paysage forestier et l’effet cumulatif des coupes n’est pas directement abordée dans le règlement (sauf en quelque sorte pour la bande de protection entre voisins). Si des données en matière de protection des paysages pouvant être utilisées à des fins normatives sont disponibles à la MRC, elles pourraient être intégrées à la présente règlementation. Autrement, certaines actions pourraient être entreprises pour y remédier à moyen terme :

 

Plusieurs MRC ont identifié des corridors d’intérêt écologiques reliant les principaux noyaux d’habitats naturels. Considérant qu’un exercice est présentement en cours à l’échelle de l’Estrie à cet effet, il serait pertinent, le moment venu, d’inclure la notion de corridors écologiques à l’intérieur du règlement d’abattage, à l’instar des milieux humides et hydriques.

 

Afin de préserver la biodiversité et de répondre aux besoins territoriaux des espèces fauniques, nous avons relevé cet extrait du Guide des saines pratiques d’interventions forestières en milieu humide que nous jugeons pertinente à partager, en appui au règlement proposé.

« Localiser la présence de coupes totales autour du lot et conserver des corridors boisés permanents d’une largeur adaptée à l’espèce à protéger. Cette mesure assure une connectivité entre les habitats fauniques et favorise la circulation de la faune. Ref.: 3.50 – 4.26 – 4.27 Pour les coupes totales d’envergure, planifier de conserver un couvert forestier règlementaire ou plus pour assurer, entre autres, un maintien de la connectivité et de la biodiversité (ex. : corridors fauniques, îlots denses). Les coupes à rétention variable des arbres jouent ce rôle aussi. » (https://www.afbf.qc.ca/wp-content/uploads/2022/03/Guide-milieu-humide_Final.pdf)

 

L’orniérage en milieu humide avait été identifié comme l’un des problèmes importants à aborder à travers la révision du règlement. Bien que les dispositions proposées visent effectivement à limiter les activités à l’intérieur des zones humides, le Guide des saines pratiques propose des mesures supplémentaires visant la considération de la météo dans la planification des activités forestières, considérations qui pourraient être intégrées avec un volet normatif ou dans le cadre du plan de communication :

« Éviter la création d’ornières en anticipant les dégels hâtifs et les fortes pluies afin de maximiser la superficie productive forestière de la régénération après coupe. Arrêter les opérations dès le premier dégel ou lorsque la capacité portante n’est plus adéquate lors de fortes pluies ».

 

Enfin, les activités de communications dans le cadre du lancement du règlement pourraient inclure d’encourager les municipalités à adopter des politiques de l’arbre pour venir en appui à la règlementation régionale en matière d’abattage d’arbres, afin de soutenir la vision de protection du couvert forestier du SAD. Certaines MRC ont élaboré ce type de politique à l’échelle régionale (ex. Vaudreuil-Soulanges).

 

Conclusion

Toute bonne règlementation sur papier ne sera jamais efficace si elle n’est pas appliquée correctement sur le terrain ou si elle n’est pas respectée par les personnes concernées. Des efforts importants semblent avoir été consacrés à rendre la compréhension et l’application plus simple et plus adaptée à la réalité des producteurs et propriétaires forestiers, tout en favorisant la protection des éléments les plus sensibles de l’écologie du territoire. Nous recommandons d’assurer des suivis et des formations régulières des inspecteurs municipaux responsables de sa mise en application, de même qu’un retour auprès du comité de travail pour discuter des retombées du règlement après quelques années de mise en œuvre et de proposer des corrections qui auront pour but d’atteindre les cibles de protection du territoire forestier prévu au schéma d’aménagement.

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Renseignements
Jacinthe Caron, codirectrice générale
819 821-4357 poste 101
j.caron@environnementestrie.ca