Malgré son apparence forestière, l’Estrie est victime d’une fragmentationTout phénomène artificiel de morcellement de l’espace, susceptible d’empêcher une ou plusieurs espèces vivantes de se déplacer ou de se disperser comme elles le pourraient en l’absence de facteur de fragmentation. » (Gerbeaud Maulin et Long, 2008, p.9) croissante de ses milieux naturelsMilieu dans lequel l’environnement paysager, la biodiversité et les processus écologiques n’ont pas été altérés de manière permanente ni à long terme par les activités humaines. Ce milieu maintient sa capacité de se régénérer et la présence humaine ne modifie pas le paysage de manière importante ni ne le domine » (Bureau de normalisation du Québec, 2003), une menace pressante qui réclame une action immédiate pour préserver et restaurer les corridors permettant le libre déplacement des espèces à travers le paysage.
PORTRAIT DE L’ESTRIE
Un peu plus de 75% recouvert de milieux naturels
Un gradient agricole à forestier d’ouest en est
Un peu plus de 91 % du territoire en terres privées
Une trentaine d’espèces avec un statut de protection
Plus de 300 km de frontière avec les États-Unis
L’ESTRIE AU COEUR D’UNE RÉGION D’IMPORTANCE MONDIALE, LES APPALACHES
LES APPALACHES – S’étendant du nord de l’Alabama aux provinces maritimes du Canada. © The Nature Conservancy
Une grande partie de l’Estrie se trouve dans les Appalaches, une ancienne chaîne de montagne qui s’étend sur plus de 3 200 km.
Cette région, recouverte d’une vaste étendue forestière, abrite la forêt feuillue tempérée la plus intacte au monde, tout en étant parsemée de vallées, de rivières et de zones humides.
La géographie des Appalaches en fait une voie migratoire naturelle pour de nombreuses espèces, de mammifères, d’oiseaux et d’amphibiens.
Dans un contexte de changements climatiques, cette caractéristique en fait un corridor vital pour la migration des espèces.
Trajets migratoires empruntés par diverses espèces. Les Appalaches, encerclées en rouge, servent d’autoroute virtuelle pour la nature. © Dan Majka/The Nature Conservancy (adapté pour impression par Nicholas Rapp)
Trajets migratoires empruntés par diverses espèces.
CONNECTER LES MILIEUX NATURELS ENTRE EUX : DES CONCEPTS À RETENIR
La connectivité écologique est définie comme étant la facilité relative avec laquelle les organismes vivants se déplacent dans le paysageMosaïque d’habitats à travers lesquels des organismes se déplacent, s’établissent, se reproduisent et, ultimement, meurent. La délimitation d’un paysage est donc intimement liée à l’espèce ou aux espèces ciblées ». (Principe d’élaboration de corridors naturels au Centre-du-Québec, 2014, p.4) (Merriam, 1984).
Le concept de réseau écologique
Il s’agit d’un réseau cohérent et interconnecté de composantes abiotiques, biotiques et de milieux naturels et semi-naturels du paysage, incluant des noyaux, des zones tampons et des corridors. Ce réseau est géré dans le but de maintenir ou de restaurer les processus écologiques, de manière à conserver la biodiversité et à favoriser l’utilisation durable des ressources naturelles.
Schéma d’un réseau écologique
LA CONNECTIVITÉ DES MILIEUX, UN ENJEU À TOUTES LES ÉCHELLES
Connecter les milieux naturels entre eux est une préoccupation à toutes les échelles de gouvernement. Des engagements mondiaux, provinciaux et transfrontaliers en témoignent.
COP 15 sur la biodiversité Les pays signataires dont le Canada se sont engagés à atteindre l’objectif de maintenir, renforcer ou restaurer la connectivité de tous les écosystèmes (CBD, 2022). |
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COP 27 Le lien entre la perte de biodiversité, la recherche de solutions fondées sur la nature et les changements climatiques a été officiellement reconnu. |
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Au niveau transfrontalier La résolution 40-3Cette résolution, sujet à renouvellement, « constitue un engagement concret [des gouverneurs et des premiers ministres] face aux enjeux multiples qui découlent de la fragmentation des écosystèmes terrestres et aquatiques en reconnaissant l’importance de la connectivité écologique pour l’adaptation et la résilience des écosystèmes, de la biodiversité et des communautés humaines face aux changements climatiques ». (St-Pierre et al., 2019 , p.10) concernant la connectivité écologique, l’adaptation aux changements climatiques et la conservation de la biodiversité a été signée en 2016 par les gouverneurs de la Nouvelle-AngleterreConnecticut, Maine, Massachusetts, New Hampshire, Rhode Island et Vermont et les premiers ministres de l’Est du CanadaNouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Terre-Neuve-et-Labrador et Québec.*Les provinces et les États ayant signés la résolution 40-3 sont situés dans la portion Nord des Appalaches et ils reconnaissent l’importance mondiale de la forêt des Appalaches nordiques et de la forêt acadienne. |
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Plan nature Québec 2030 L’une des 14 cibles vise la conservation d’au moins 30% du territoire québécois en misant sur la gestion efficace, la représentativité et la connectivité écologique. |
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Plusieurs municipalités et MRC se sont engagées envers la protection de la biodiversité Les Plans régionaux des milieux humides et hydriques La résolution d’engagement envers la préservation de la biodiversité Des politiques de protection des arbres |
Étudier la connectivité écologique, c’est fournir aux preneurs de décision sur le territoire :
- Des données scientifiques accessibles
- Des informations pour guider la conservationEnsemble de pratiques comprenant la protection, la restauration, et l’utilisation durable et visant la préservation de la biodiversité, le rétablissement d’espèces ou le maintien des services écologiques au bénéfice des générations actuelles et futures (Limoge et al, 2013). des milieux naturels
- Une base de travail pour élaborer une stratégie de conservation qui a du sens à l’échelle de la région.
UNE STRATÉGIE RÉGIONALE POUR LA CONNECTIVITÉ
DU RÉSEAU DES MILIEUX NATURELS
Le CRE Estrie s’est associé à Nature Cantons-de-l’Est (NCE) pour mettre sur pied une stratégie régionale concertée visant le maintien de la connectivité du réseau des milieux naturels à l’échelle de l’Estrie.
Ce projet, le premier à l’échelle de l’Estrie, vise à cartographier le réseau écologique de l’Estrie.
Basé sur une approche scientifique, il servira d’outil d’aide à la décision en intégrant le concept de connectivité dans l’aménagement du territoire. De ce travail concerté, émergeront des stratégies de conservation dont les impacts positifs dépasseront les frontières des MRC.
ÉTAPE 1
Identifier les milieux naturels de l’Estrie
Objectif |
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On retrouve sur la première carte les milieux naturels de l’Estrie, constitués principalement des milieux forestiers, humides et hydriques.
Ces derniers sont fragmentés par des éléments liés aux activités humaines, surtout le réseau routier.
Certains éléments naturels sont aussi considérés comme des barrières au déplacement des espèces terrestres, soit les grands lacs et les grandes rivières.
ÉTAPE 2
Sélectionner des noyaux du réseau écologique
Objectif |
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L’ours noir est l’espèce animale présente dans la région de l’Estrie nécessitant le plus vaste territoire pour répondre à ses besoins essentiels en termes d’abri, d’alimentation et de reproduction. En préservant les milieux naturels nécessaires à la survie de l’ours noir, nous garantissons également le maintien des habitats d’autres espèces à grand domaine vitalUne espèce qui a besoin d’un vaste territoire pour réaliser son cycle de vie (abri, nourriture et reproduction). (Source : Réserve naturelle Montagnes vertes) comme les orignaux, les lynx, les coyotes et les pékans, ainsi que ceux d’une grande diversité d’espèces ayant besoin de territoires plus petits, tels que les oiseaux, les tortues, les insectes, etc.
Voici les grands massifs assurant la survie de l’ours noir en Estrie, donnant un premier aperçu des noyaux du réseau écologique de l’Estrie :
Ces massifs sont principalement situés dans le nord Est de l’Estrie. Sortons maintenant de la peau de l’ours noir, et affinons nos recherches!
D’autres milieux naturels à considérer
D’autres milieux naturels, de plus petite superficie, ne suffisent pas seuls à répondre aux besoins des espèces nécessitant un vaste territoire, mais contribuent au réseau écologique par leur caractère exceptionnel ou un statut de protection.
Ainsi, pour compléter la sélection des noyaux du réseau écologique, les grandes aires protégées et les grands milieux naturels d’intérêt ont été considérés.
Note de mise en garde : La sélection des noyaux dépend de l’échelle utilisée pour les analyses. Ainsi, à d’autres échelles d’analyse, comme celles des MRC ou des municipalités, différents noyaux pourraient être identifiés.
En ajoutant dans une même carte les grands massifs assurant la survie de l’ours noir ainsi que les grandes aires protégées et les grands milieux naturels d’intérêt, nous obtenons la cartographie consensuelle des noyaux du réseau écologique à l’échelle de l’Estrie.
L’identification de ces noyaux est une première étape pour :
- Cibler les sites prioritaires pour des projets de mise en valeur
- Planifier la gestion du territoire
- Valider si les activités qu’on y pratiquent sont compatibles avec les objectifs de conservation.
ÉTAPE 3
Identifier les corridors du réseau écologique *Étape en cours
Objectifs |
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Maintenant que les noyaux sont connus, il est nécessaire d’identifier les corridors prioritaires pour faciliter le déplacement des espèces entre ceux-ci.
À quoi faut-il porter attention?
Les routes, les bâtiments, les cours d’eau, les plans d’eau, certains types d’utilisation du sol et la pente posent des contraintes au déplacement des espèces à grand domine vital.
Ces critères seront pris en compte dans les analyses visant à modéliser les corridors afin d’identifier ceux qui facilitent le déplacement des espèces à travers le paysage.
ÉTAPE 4
Rallier la région autour d’une vision commune
Objectif |
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Assurer le maintien des milieux naturels et de la connectivité écologique est le but ultime de la stratégie régionale. Pour y arriver, il est vital que l’ensemble des acteurs du territoire s’engagent envers ce but.
La représentation du réseau écologique aidera à prioriser des actions spécifiques à mettre en place sur le territoire. Par exemple :
- Identifier les menaces naturelles et anthropiques à la connectivité
- Identifier les lieux prioritaires pour la restauration, afin de consolider la connectivité écologique
- Sensibiliser les instances municipales sur les enjeux entourant la connectivité écologique et mobiliser les acteurs
S’IMPLIQUER POUR LA MISSION
Des actions sont déjà en cours dans la région pour participer à la conservation du réseau écologique.
PARTENARIATS ET COLLABORATIONS
Une initiative du CRE Estrie et de Nature Canton-de-l’Est et réalisée en concertation avec de nombreux acteurs régionaux.
Les organisations ayant pris part à la concertation
MRC
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ACTIVITÉS AGRICOLES ET FORESTIÈRES
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ORGANISATIONS DE PROTECTION DE LA NATURE/ENVIRONNEMENT
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ORGANISMES DE BASSIN VERSANT
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PREMIÈRES NATIONS
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MINISTÈRES
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Ce projet est financé par le Programme d’aménagement durable des forêts (PADF) de l’Estrie.