Vous connaissez les SerPuARiens, ces appareils électroniques qui sont malheureusement abandonnés et qui finissent par trainer dans le fond d’un tiroir ou dans un coin de la maison. L’appareil est toujours fonctionnel, mais vous ne les utilisez plus pour diverses raisons. Vous connaissez également l’obsolescence programmée. On peut décliner l’obsolescence programmée par un arrêt volontaire du fonctionnement d’un objet ou par un arrêt induit. Dans le premier cas, on s’assure qu’un bien ne puisse plus fonctionner volontairement après un certain usage : un nombre de copies, la fin de vie d’une composante spécifique, un temps depuis la fabrication, l’arrêt du support d’une version du système d’exploitation. Pour sa part, ce que je considère l’obsolescence induite prend une forme plus insinueuse, plus pernicieuse : on s’assure que l’objet ne servira plus en faisant en sorte que l’attractivité d’un nouveau modèle ou d’une nouvelle version sera telle qu’on abandonnera l’usage de l’ancien; on aura limité tellement les capacités qu’il deviendra irritant de continuer à l’utiliser par rapport à le remplacer; en cas de bris d’une composante, il sera trop difficile ou trop coûteux de la remplacer par rapport à l’achat d’un nouvel article.

Ce qui m’amène à partager une expérience personnelle dans le cadre de la Semaine québécoise de réduction des déchets au sujet d’un téléphone mobile que j’adorais, un Moto 5e Play : dimensions parfaites pour la main, bonne réactivité, OS qui n’était pas trop vieux et dont les applications étaient encore amplement disponibles, batterie avec une autonomie suffisante. Mais il était devenu obsolète pour moi, trop limité pour être agréable et fonctionnel malgré les quelques années qu’il avait : j’étais arrivé à ce point où Android me rappelait que j’avais peu d’espace, que je devais en libérer régulièrement. J’avais beau m’en tenir aux applications minimums dont j’avais besoin et d’effacer régulièrement les quelques photos que je prenais, ce téléphone n’était plus efficace… pour mes besoins. En plus, sa recharge était compliquée, ne fonctionnant plus qu’en plaçant le téléphone et son câble dans certaines positions précises. J’avais au préalable testé avec quelques câbles différents, nettoyé au mieux le connecteur. Rien n’y faisait.

S’il ne répondait plus à mes besoins, cela ne voulait pas dire qu’il ne pouvait pas continuer sa vie pour quelqu’un d’autre aux besoins différents. Voyez-vous, avec la pandémie, plusieurs employeurs ont migré ou ont poursuivi leur migration vers des services en ligne. C’est le cas de l’Université de Sherbrooke où ma copine travaille. Dans un souci de bonnes pratiques de sécurité, il faut désormais utiliser l’authentification multifactorielle (MFA) pour s’identifier. Vous savez, ce processus qui demande un second moyen de confirmer que vous êtes bien qui vous prétendez être après avoir entré votre utilisateur et votre mot de passe : vous recevez un code par texto ou vous récupérez un code d’une application mobile que vous devez entrer comme une seconde clé pour déverrouiller votre accès. Bref, elle n’avait pas de téléphone mobile et malgré quelques tours de passe-passe avec le service des TI de l’Université, elle devrait prochainement recourir à un téléphone mobile. Ce Moto 5e devenait donc tout désigné pour ses besoins : texto, une application pour l’authentification multifactorielle, gestion de courriels et recherche internet. Il ne fallait que régler le problème de recharge afin que sa vie utile se poursuive dans les mains de quelqu’un d’autre.

Première étape : vérifier comment est assemblé le téléphone et s’il est possible de remplacer une composante. D’ailleurs, lorsque vous choisissez votre téléphone, pensez à vérifier sa conception et son assemblage :

  • Le couvercle arrière se retire-t-il?
  • Avez-vous accès à la batterie?
  • Les composantes sont-elles accessibles ou est-ce que votre téléphone est hermétique ou pris dans la colle?

Un téléphone bien conçu pour être réparé devrait permettre d’y accéder relativement facilement. Le Moto 5e a une coquille arrière qui se retire, donnant accès à la batterie et à quelques composantes qui ont été conçues par module. Il était donc là, juste en bas, ce module de recharge.

Bonne nouvelle, des vis qui permettent d’accéder aux composantes. Le module de recharge est juste sous ce morceau de plastique retenu par 4 vis.

Deuxième étape : la composante de rechange est-elle disponible et l’est-elle à un prix raisonnable? Ce n’est pas pour rien qu’il y a des pressions de groupes de consommateurs et de certains élus afin de lutter contre l’obsolescence qui visent à obliger les entreprises qui produisent des biens à assurer la disponibilité des pièces de rechange en quantité suffisante et à coût avantageux ainsi qu’à revoir la conception de leurs produits afin de permettre de les réparer pendant une période de temps raisonnable.

J’ai trouvé une pièce générique pour 15$ livrée à la porte sur un site populaire d’achat en ligne. Pas mal en comparaison au coût d’un nouvel appareil.

À gauche, le module de recharge original. À droite, sa version générique.

Troisième étape : remplacer la composante, puis tester. Bonne nouvelle ici aussi puisqu’il n’y avait que deux vis à retirer, ainsi qu’un ruban et une antenne à déconnecter pour permettre le remplacement du module. Deux minutes plus tard, le tour était joué.

Petit truc si vous faites une réparation sur un article : avant de refermer complètement, mettez le stricte nécessaire pour tester que tout fonctionne correctement. Il peut arriver que la réparation ne fonctionne pas ou qu’un détail dans le réassemblage nous ait échappé.

Deux vis (couleur argent) à retirer, un petit ruban qui se connecte simplement par pression ainsi que l’antenne WiFi (fil noir à droite) à déconnecter délicatement.

Après un test concluant pour vérifier que l’appareil était toujours fonctionnel ET que la recharche se faisait correctement, j’ai tout refermé. Et voilà! Encore quelques belles années devant lui.

Que faut-il retenir de cette histoire? L’un des problèmes principaux pour réduire notre consommation de nouveaux articles, après s’être demandé consciemment si on en a réellement besoin, est d’assurer qu’ils durent le plus longtemps possible. On amortit ainsi son empreinte environnementale au maximum.

Et n’oubliez pas, lorsque vous aurez épuisé pleinement l’utilité d’un produit, que vous aurez tenté de lui donner une seconde vie, que vous ne pourrez plus le réparer, il vous reste encore à vous départir de ce bien de manière responsable. Consommer, c’est accepter d’être responsable de ses biens jusqu’à la toute fin. Trouvez un point de dépôt pour la gestion de vos SerPuARiens, dont les écocentres ou auprès de commerces qui mettent à votre disposition des points de dépôt. Après tout, vos appareils sont en quelques sortes de micro-mines dont les minéraux sont déjà purifiés et qui nécessitent beaucoup moins d’énergie à extraire.